L’augmentation de nombre d’infectés par le COVID-19 a contraint le gouvernement à prendre plusieurs décisions dans le cadre la gestion de cette pandémie. Ces mesures ont pour objectif de consolider le dispositif national de riposte du Covid-19 afin d’aboutir à une rupture de la chaine de contamination communautaire. Ces mesures sont essentiellement :

  • La fermeture des établissements scolaires et universitaires ;
  • L’interdiction de tout regroupement de plus de 50 personnes ;
  • L’instauration d’un couvre-feu de 19h00 à 5h00 du matin, sur toute l’étendue du territoire, pour compter du 21 mars 2020 à l’exception des personnels sous astreintes ;
  • La fermeture des aéroports de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso aux vols commerciaux, pour une durée de deux semaines, renouvelable, à compter du 21 mars 2020 à minuit, excepté pour les vols intérieurs et militaires et le fret;
  • La fermeture des frontières terrestres et ferroviaires, pour une durée de deux semaines, renouvelable, à compter du 21 mars 2020 à minuit, à l’exception du fret ;
  • Les mesures de restrictions concernant les débits de boissons, les salles de cinéma, de jeux et de spectacles, les marchés et yaars, les restaurants, etc. ;
  • L’arrêt du transport en commun ;
  • La mise en quarantaines des villes touchée par la maladie.

S’il a fallu adopter un plan de riposte sanitaire contre cette pandémie, il n’était pas moins important de prévoir des mesures pour limiter la déstructuration certaine que cette pandémie va sans doute causer dans des économies comme le Burkina Faso.

Le COVID-2019 pourrait faire perdre à l’économie burkinabè 2 à 3 points de pourcentage de croissance…

Les mesures qui ont conduit au confinement partiel des populations, à la fermeture des unités de production (marchés, débits de boisson, écoles, épiceries, unité de production des services de transports urbain et inter-urbain, etc.), à la suspension des activités culturelles et touristiques ont certainement un impact négatif sur l’activité économique. A ce titre, selon les estimations de la Conférence des Nations Unies pour le commerce et le développement (CNUCED),  on devrait s’attendre à une réduction du taux de croissance économique de deux à trois points de pourcentage cette année[1]. En effet, si la pandémie est maîtrisée d’ici le mois de juin, le taux de croissance prévu pourrait passer de 6% à 3% en 2020.

Avec des conséquences particulièrement énormes pour certains secteurs spécifiques…

Des trois secteurs (primaire, secondaire et tertiaire), le secteur secondaire et tertiaire seront les plus touchés du fait de leur forte corrélation avec la conjoncture.

Le secteur secondaire est déjà caduc car il représentait à peine 11,3% du PIB réel en 2017.  La plus grande partie de ce secteur (61,97%) est constituée de l’industrie manufacturière. La quasi-totalité des entreprises qui compose l’industrie manufacturière burkinabé sont des petites et moyennes entreprises et donc plus ou moins fragile face aux chocs économiques. La morosité actuelle de l’économie risque d’entrainer une baisse de la demande en conséquence à la baisse des revenus des populations suite à l’arrêt de certaines entreprises.

Quant au secteur des services, il représentait en 2019 53,9% de PIB réel burkinabè selon les données de la BCEAO. Les services fournissant des revenus à une grande majorité de la population et dans lesquels exerce la quasi-totalité des PME (Commerce, transports et autres services marchands) représentaient 44,59% du secteur des services en 2017 selon l’INSD (2019). A Ouagadougou, centre névralgique de la pandémie, le secteur privé formel et informel était pourvoyeur de 87,3% du total des emplois en 2001 selon l’INSD (2018). En conséquence, la fermeture des marchés et yaars, l’arrêt des transports en communs auront des conséquences socio-économiques énormes tant sur la croissance économique initialement prévue à  8,0% en 2020 dans le PNDES. Sans aucune mesure d’accompagnement ses emplois seront-ils sauvés en cas de prolongement de la paralysie des activités économiques ? Sinon un virus plus dangereux que le corona serait la “pauvreté” ou la “famine”.

Dans le secteur privé d’une manière générale, la création d’entreprises a atteint le pic de 12511 nouvelles entreprises en 2018 (CCI-BF, 2019).  81% de ces nouvelles entreprises opèrent dans le commerce (44%) et les services (37%). Par ailleurs, 81,6% de ces entreprises sont localisées à Ouagadougou (68,8%) et à Bobo-Dioulasso (12,8%). Ces deux villes étant les plus touchées par la pandémie et ses corollaires à savoir la fermeture des marchés, la psychose, l’arrêt de certaines activités (transport, restauration etc.), la survie de ces nouvelles entreprises devient plus incertaine.

Cette crise sanitaire risque également d’aggraver le déficit public. En effet, les difficultés qui s’annoncent en matière de mobilisation des recettes en conjonction avec l’accroissement des dépenses pour faire face à la crise sont des faits qui auront des répercussions notables sur les finances publiques qui sont déjà éprouvées par le financement des opérations de lutte contre le terrorisme. A titre illustratif, les allocations budgétaires totales du secteur sécurité et défense ont augmenté de 34 % entre 2018 et 2019, pour atteindre 3,9 % du PIB en 2019. En plus de l’accroissement des dépenses publiques pour la prise en charge du défi sécuritaire, la surenchère au niveau des partenaires a conduit à la non maitrise de la masse salariale (projetée à 9,5 % du PIB en 2020). La satisfaction des revendications des syndicats a contribué à dégrader les finances publiques à tel point qu’en 2019 le ratio masse salariale sur recettes fiscales est ressorti à 56,4% largement au-dessus de la norme communautaire d’au plus 35%.

…surtout dans un contexte de forte dépendance avec l’extérieur.

L’économie du Burkina Faso est fortement extravertie. Le niveau des importations représente 35,69% du PIB, selon les données de la BCEAO en 2019. Les entreprises de ces deux partenaires commerciaux étant en difficulté et pour une importante partie en arrêt de fonctionnement, on pourrait observer une rupture de certains produits ou une augmentation des prix à l’importation. On pourrait assister alors à une inflation importée. Cette augmentation des prix couplée à une baisse des revenus des populations au niveau domestique risque d’aplatir le pouvoir d’achat de la population. On comprend alors les mesures annoncées tout récemment par le MCIA qui visent la sécurisation de l’approvisionnement du pays, la sécurisation des stocks des produits de grande consommation, la maîtrise de la fluctuation des prix des produits de grande consommation et la mise en place d’un dispositif de soutien aux initiatives endogènes de production des désinfectants sanitaires.

Face à ces risques qui pèsent sur l’économie nationale, des réponses urgentes doivent être entreprises…

Elles peuvent être regroupées en quatre catégories : (i) les mesures visant à réduire et/ou à différer les charges courantes des ménages-entrepreneurs informels, (ii) les mesures d’aides aux petits salariés licenciés ; (iii) les mesures visant à réduire et/ou à différer les charges des PME/PMI directement touchées ; (iv) les mesures d’accompagnement des sociétés et grandes entreprises.

Ces mesures urgentes pourront être financées par les ressources d’un fonds créé à cet effet. Pour abonder ce fonds en vue de financer les mesures sociales urgentes mentionnées ci-dessus, il importe de dégager immédiatement des ressources propres de l’Etat. Le fonds pourrait également être abondé par les apports des PTF et surtout des particuliers manifestant leur solidarité dans ce contexte de crise.

…et consolidées après par des actions s’inscrivant dans le moyen terme

Si la pandémie est maîtrisée en fin juin, le gouvernement pourra envisager une vraie politique de relance de l’économie. Quelques actions sont envisageables à ce niveau. Il s’agira entre autres de :

  • Procéder au paiement de la dette intérieure, notamment pour les entreprises des sous-secteurs sinistrés ;
  • Relancer la commande publique qui est un levier de promotion des PME/PMI
  • Maintenir, voire accroitre, les efforts du gouvernement en termes d’investissement public, moteur de la croissance économique du pays au cours de ces quatre dernières années :

Le gouvernement pourra financer cette politique de relance en exploitant notamment la batterie de mesures préconisées par la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cf. Communiqué de la BCEAO sur le COVID-19)[2]. Ainsi, le gouvernement pourra bénéficier des prêts concessionnels que la BOAD accordera aux États pour le financement des dépenses urgentes d’investissement et d’équipement dans le cadre de la lutte contre la pandémie. Il pourra également lever des fonds supplémentaires sur le marché régional en profitant de la mesure de la BCEAO qui envisage « d’organiser, au besoin, le réaménagement du calendrier d’émission des titres publics sur le marché financier régional ».

Quelles leçons tirées?

Cette crise sanitaire qui aura certainement des répercussions considérables sur nos économies vient rappeler à quel point celles-ci sont fragiles. Elle interpelle sur la nécessité de bien organiser le système de production pour accroître sa résilience à ce type de choc. Le covid-19 rappelle enfin qu’il est capital pour toute économie d’assurer une gestion très prudente des finances publiques dans l’optique de disposer de marges de manœuvre suffisantes pour amortir les effets négatifs des chocs exogènes.